Sommaire de l'article
Une expérience
J’ai choisi et compilé une trentaine d’histoires « de base » parmi toutes celles que j’ai racontées dans les écoles maternelles depuis la petite section jusqu’à la grande section.
De cette expérience, je vais vous présenter rapidement en quelques traits le pourquoi de ces choix et le pourquoi de l’importance de bien choisir son répertoire et son langage pour cette tranche d’âge.
Quelques caractéristiques de l’esprit d’enfance :
Toutes les choses peuvent être animées, émerveillement, spontanéité, le jeu gratuit avec tous les possibles, le désir d’explorer, la curiosité d’esprit…
Sur la FORME de ces histoires : intérêt pour les enfants et pour les enseignants:
- Elles sont extraites des livres qui ont toujours fait et font encore référence, mais qui ne sont plus édités en entier. Voir la liste des références données et « l’éplucher » ! Sarah Cone Bryant, Lily Boulay, Luda
- On peut retrouver ces histoires (rééditées sous différentes formes et/ou réécrites par des conteurs (Didier jeunesse, coll. A petits Petons) Elles sont à trouver dans les bibliothèques.
- Cadrées très simplement, avec beaucoup de précision langagière et rythmique dans des situations accessibles aux petits, elles parlent sous forme symbolique : Prince Pain d’épices : façonné avec amour en forme de bonhomme, ce gâteau a toutes les caractéristiques d’un enfant plein de vie …
- Histoires suffisamment courtes et efficaces pour les apprendre et pouvoir les dire « avec sa bouche » dans une classe. Ce qui est très différent d’une simple lecture !
- Ce ne sont pas des albums, l’image n’est pas donnée, c’est à vous de la chercher et de la transmettre, à ceux qui écoutent de se représenter intérieurement et à leur manière une image avec le langage que vous utilisez.
Exemple d’une question posée : qu’est-ce que je fais si un mot de l’histoire est inconnu des enfants ? Un colibri par exemple ?!?! – Pourquoi ne pas intégrer la question à l’intérieur même de l’histoire en regardant avec les enfants cet oiseau : « il y avait un homme qui a vu en se promenant un oiseau… Oh mais je ne connais pas cet oiseau…. Tien je vois qu’il est bleu et jaune et ce bec si long… etc…. c’est peut-être un colibri … !
Sur le CONTENU : intérêt +++
I – Il m’a paru évident au fil du temps que ces « petits contes » mettent en scène et en les opposant 2 à 2, des émotions, des peurs, des plaisirs, des questions, des expériences sensorielles qui reflètent la vie émotive cachée des enfants en particulier – et de nous tous en général.
Cette vie émotive reste cachée ou ignorée quelque fois parce que non verbalisée.
Exemples d’oppositions :
- Sécurité //Insécurité : Poule rousse et le Renard
- Présence d’esprit // bêtise : le troisième petit Cochon avec le Loup
- Vulnérable // Protégé : Le plus petit // Le plus grand grand : les trois boucs bougons
- Etre attrapé // Echapper à l’attrape : Le Petit Prince Pain d’épices
- Provoquer // Etre provoqué – Les enfants jouent beaucoup à cela dans les cours de récréation mais avec cette histoire, on passe à un autre niveau : Le Petit Prince Pain d’épices (particulièrement bien écrit dans la version retenue)
- Danger // Même pas peur : « Je suis le Prince Pain d’épices »
- Chaleur d’être tous ensemble cachés, bien à l’abri // Nécessité dans la vraie vie de partir chacun sur sa route : La moufle
- Petit // Grand, chacun sa place avec tout ce qu’il lui faut à sa juste mesure : Boucle d’Or
- Récompensé // pas récompensé ou Participe au travail // Ne participe pas » : La petite poule rouge
- Aimé // Rejeté : les trois petits chat,
- Perdu // retrouvé : Le petit chat perdu
- Etre dévoré // Etre sauvé de la dévoration : 3 petits cochons …
- Assez // Pas assez // Trop : la bonne crème
- Dénuement // Abondance
- Ombre // Lumière
On voit que ces oppositions sont mises en scène dans un cadre symbolique très explicite : anthropomorphe (histoires d’animaux qui parlent), humoristique (l’énorme Rutabaga), surréaliste (Petit Pou et Petite Puce) ou simplement merveilleux.
II – Avec les randonnées
C’est un autre propos :
- Ces récits disent dans une chaine d’actions successives les causes et les conséquences,
- Ils mettent en scène la dépendance des uns envers les autres
- Les forces de la nature et leurs interactions les unes sur les autres : la petite fourmi qui va à Jérusalem
Quels MECANISMES de parole et d’écoute réciproques sont en jeu ? Interrogeons l’étonnement qui nous saisit devant l’écoute intense des enfants – souvent les plus agités !
- Immobilité du corps
- Silence et regard intense
- Mémoire des images,
- Restitution des images très enjolivées, ils racontent l’image avec en plus des détails qui n’ont pas toujours été dits, c’est-à-dire qu’ils racontent LEUR IMAGE qui peut même être redite sous forme symbolique ! exemple : la boule de rêve : un enfant me dit quelques jours après la séance de conte : « j’ai dessiné l’histoire que tu m’as racontée. » Comme je ne me souvenais plus de quelle histoire il s’agissait, je lui ai demandé : « qu’est que je t’avais raconté ? » – « Mais tu sais bien, c’était l’histoire avec la boule de rêves.» En fait c’était l’histoire de la calebasse qui contient toutes les histoires du monde …
- Liens affectifs très forts avec celui qui raconte avec sa bouche. Exemple : on a tous un souvenir précis de qui nous racontait quoi..
Ces étonnements nous signifient que la disposition intérieure du public enfantin est tout le contraire de la passivité et qu’une activité mentale intense se déploie au moment de l’écoute d’un conte.
Sans doute parce que ces histoires qui traversent les âges sont élaborées pour « rejoindre » des expériences dans leur dimension sensorielle, dire quelque chose de la vie que nous traversons…
C’est pourquoi il faut bien choisir ses histoires pour apporter aux enfants un langage qui, en quelque sorte, calque sur un autre plan, leurs expériences. Et mettre ces histoires en scène avec le langage qui tient compte de leur savoir sensoriel.
En mettant en scène précisément ces expériences, il est bon de chercher à les rejoindre le mieux possible.
Un langage qui rejoint et déploie les perceptions plutôt que de les écraser
Qu’est-ce que cette ACTIVITÉ MENTALE intense ?
Tous les conteurs en ont fait l’expérience : il y a cette chose étonnante qui est la rencontre cachée de nos expériences sensibles respectives entre le conteur et celui qui écoute, même si mentalement chacun est dans un endroit différent !.
Faites en vous-même l’expérience
Exemple : le cadre des histoires que j’ai raconté ou que j’entends se situe bien souvent dans le paysage ou dans la maison de mon enfance… Ce sont certains mots de ces histoires qui me renvoient à mes premières expériences sensorielles. Le conteur est là, il m’emmène ailleurs chez moi pendant que le fil de l’histoire nous tient ensemble!
Pourquoi dire les histoires avec sa bouche ? Parce que cela permet d’être plus attentif à cet aller/retour entre ce que je dis et ce qui peut les rejoindre dans leurs expériences sensorielles.
Alors comment RACONTER ces histoires simples ?
Donnons aux images d’un conte une chance de se refaire dans l’imaginaire de celui qui écoute.
Donnons au langage d’un conte une chance de pouvoir être réinvesti par les enfants
Exemple 1: je commençais souvent par dire que je n’avais pas de livre d’images avec moi, mais que s’ils sont attentifs à eux-mêmes, des images vont se former dans leur tête. Et prenons le temps de les regarder tout en écoutant…
Exemple 2 : quelque fois je demandais qui a vu une image et de raconter juste cette image !
Ces histoires sont difficiles et en même temps faciles à raconter : faciles parce que le cadre est simple, difficiles parce que il faut s’assurer en racontant que cela peut rejoindre (sans que ce soit dit bien sûr) des expériences ou des morceaux de situations que les enfants vivent : des expériences sensorielles déjà vécues dans la vie ordinaire, des émotions, des joies, des peurs…..
En fait qu’est-ce qui se passe et à quoi être attentif en racontant aux petits
En racontant des contes, nous transmettons aux enfants un langage qui structure leurs premières perceptions de l’espace et du temps et leurs premières expériences.
En racontant une histoire, nous pouvons essayer de rejoindre ce qui est « mis en jeu » dans l’imagination du petit ? A quelles expériences cela fait-il « miroir » ? ? Exemple de la moufle ou la drôle de maison ci-dessus. En racontant, nous nommons ce qui est vivant, voilà qui est reconnaitre et participer à l’appétit de vivre.
Liste des 30 histoires
30 titres de contes références pour les maternelles
- La Petite poule rousse
- L’énorme Rutabaga
- Les trois boucs bougons
- Le petit Prince Pain d’Epices
- La Moufle / et ou / La drôle de Maison
- Boucle d’Or et les trois ours
- Les trois petits cochons
- Le Loup et les sept chevreaux
- La Maison que Pierre a bâtie
- La Petite Poule Rouge
- Petit Pou et petite Puce
- La bonne crème
- Quand les crèpes tombent du ciel / La Bavarde
- Les cinq frères chinois
- Outroupistache
- Les deux bossus
- La petite Tulipe rose
- L’oie d’or
- Volétrouvé
- Le Petit Chaperon rouge
- Le Roi-Grenouille ou Henri-le-Ferré
- Le Petit Poucet
- Pourquoi la Mer est salée
- La Maison des Trois Loups
- Moitié de Poulet
- Le chat et le Perroquet
- La vieille femme et le Cochon têtu
- La petite fourmi qui va à Jérusalem
- Epaminondas
- Petit-Père et Petite Mère